Travailler au renforcement positif (R+) implique généralement l’utilisation de la nourriture (même si on peut également utiliser comme récompense des grattouilles par exemple) car c’est une récompense qui a du sens pour tous les être vivants.
La récompense alimentaire/ friandise est donc un outil dans l’apprentissage et l’éducation.
Il est primordial que cet outil ne devienne pas le pire ennemi de l’humain qui l’utilise (et cela peut importe l’animal que l’on souhaite éduquer).
Ayant toujours été hyper frileuse avec l’utilisation de la nourriture dans le travail, j’espère que mon témoignage pourra aider les personnes les plus hésitantes à se lancer 🙂
De bons réflexes, dès le début
Lors de mes premières séances de clicker avec Hermès, je travaillais en contact protégé (derrière une clôture) afin qu’il ne puisse pas m’atteindre et que je puisse m’écarter s’il devenait envahissant.
L’un des premiers exercices proposer par Hélène Roche dans son livre « Motiver son cheval », c’est « la statue ».

J’ai commencé par appliquer à la lettre ce que j’avais lu à savoir, je récompense uniquement le « bon » comportement. Si Hermès fouillait ou s’approchait pour réclamer, je m’éloignais de lui.
Quoi qu’il arrive le cheval fini toujours par se détourner (soit parce que quelque chose d’autre attire son attention, soit parce qu’il essaie de proposer autre chose pour être récompensé).
C’est là que le timing est hyper important, dès qu’Hermès tournait sa tête dans une direction opposée à moi « marqueur +bonbon ».
Et ainsi de suite, jusqu’à enrayer le comportement non désiré à savoir : qu’il fouille mes poches.
Hermès a vite compris que s’il était en train de réclamer, il n’avait rien.
Il aussi très important de veiller à apporter la nourriture à hauteur de la bouche du cheval. Je fais d’ailleurs toujours attention à bien tendre mon bras afin qu’Hermès n’est aucun effort à faire pour atteindre la nourriture.
En obligeant le cheval à tendre son encolure voir à faire un pas vers nous pour avoir sa récompense, cela lui « apprend » à être envahissant.

J’attire votre attention sur le fait qu’il ne faut pas pousser le cheval (d’où l’intérêt du contact protégé au début ou avec un cheval envahissant), en effet si l’humain agit, le cheval n’apprendra jamais à se mettre lui même « à la bonne place », adopter la bonne attitude ou à réfléchir (« lorsque je réclame, je n’ai pas de bonbon, si je suis calme et patient, je suis récompensé : je choisi donc de patienter»).
Éteindre les comportements non désirés
L’intérêt de ne pas récompenser ni même prêter attention aux comportements non désirés, est que le cheval va cesser de les répéter.
Cela s’applique avec le respect face à la nourriture, mais également lors du travail à pied ou de la ration.
Par exemple, Hermès gratte facilement pour réclamer de la nourriture en TAP, certes il ne fouille pas mes poches, néanmoins, je souhaite que ce comportement disparaisse. En plus de ne pas récompenser, je prend une attitude neutre et je l’ignore.
Je lui tourne même le dos si c’est nécessaire pour rompre toute communication avec lui, je pense à autre chose et regarde mes pieds en général (cela m’aide beaucoup ! Étant de nature assez vive, je me recentre plus facilement ainsi).
Quand Hermès cesse de gratter je donne mon marqueur et récompense immédiatement. Cela éteint progressivement ce comportement « indésirable » et permet de fixer une attitude calme et détendue.

Récompenser le moindre effort de leur part
Les débuts en R+ sont hésitants en général et il est important d’encourager le cheval à poursuivre les réponses qu’il propose.
Il en va de même pour le respect à la friandise.
Comme dit plus haut, j’ai commencé à récompenser Hermès dès qu’il se détournait de moi et ne fouillait plus ma poche.
Au début, je récompensais chaque report de tête opposé à ma direction ou le fait que son nez quitte ma pochette à bonbons.
Très vite Hermès tournait sa tête complètement de l’autre côté (comme une cession d’encolure) pour me dire « t’as vu je ne fouille pas ».
Il est fréquent d’observer ces comportements aux débuts (sur tous les chevaux avec qui j’ai commencé le R+, les mouvements sont infimes au début puis un peu exagérés ensuite).
Certes, je ne demandais pas à Hermès de se retourner en entier, néanmoins c’était la solution qu’il proposait pour montrer qu’il ne réclamait pas.
Petit à petit à mesure que mon timing s’améliorait, j’ai réussi à récompenser quand Hermès se déportait juste et ne fouillait plus.
À présent, en plus d’une attitude physique je récompense le calme. S’il est droit et ne fouille pas, mais saute sur place, ça ne m’intéresse pas, j’attends qu’il ait une énergie basse et qu’il soit serein.
On affine avec le temps comme n’importe quel exercice, il ne faut pas être trop gourmand au début et leur laisser le temps 🙂
Banaliser la nourriture
La clé de la réussite réside dans la régularité (si si je vous jure), car si la nourriture est rendue « banale » elle perd en valeur. Je m’explique :
Une fois par an on vous propose « insérez votre truc préféré », vous allez être hyper enthousiaste voir même sur-excité car ce n’est pas commun pour vous (on peut comparer cela à un cheval qui ne travaille jamais à la nourriture, les premières séances sont toujours riches en émotions !)
Deuxième hypothèse :
On vous propose « insérez votre truc préféré » 3 fois par semaines, votre attitude face à « votre truc préféré » sera de plus en plus calme et neutre puisque vous savez que ce n’est pas exceptionnel. Vous êtes donc plus détendu(e) mais pourtant vous continuez d’aimer « votre truc préféré ».
C’est pareil avec les chevaux. Lors de nos premières séances, Hermès était très vif et avait du mal à se contenir.
Au même titre, si je ne le travaille pas pendant une semaine, les premières minutes de la séance de reprise sont un peu agitées et il a tendance à faire beaucoup de zèle (il me montre tout ce qu’il sait faire, c’est assez amusant je dois dire).

Proposer autre chose
J’ai remarqué qu’Hermès réclamait la nourriture sur certains exercices qu’il aime particulièrement (comme par exemple, la frite) quand je vois qu’il a du mal à rester concentrer, je fais 2-3 demandes de politesse puis je passe à autre chose. Non pas que « je laisse tomber » mais j’oriente la séance différemment, voire j’arrête la séance sur mes 2-3 demandes de politesse.
En hiver, les chevaux ont tendance à vite avoir envie de manger (même s’ils sont au foin à volonté, je les trouve toujours plus « affamés » qu’en été). Aussi quand je vois qu’Hermès « a l’air d’avoir faim » il arrive que je lui donne sa ration avant de travailler ainsi il a le ventre plein et est beaucoup plus calme avec la nourriture.
Le but est toujours de nous faciliter la tache (à lui comme à moi), si on doit se prendre la tête ça n’a pas trop d’intérêt.
Maintenant que la politesse à la nourriture est comprise, si au court d’une séance Hermès devient envahissant, je deviens « neutre », j’attends qu’il se calme et ensuite je reprends l’exercice. Ce qui implique que je ne récompense pas directement le calme, mais entame un exercice qui rapporte quelque chose.

Codifier le comportement désiré
Au même titre que le reste du travail, j’ai mis un code pour aider Hermès a plus rapidement comprendre que j’attends qu’il soit calme.
Si je vois qu’il s’agite et réclame, je deviens neutre/l’ignore et si ça ne suffit pas je lui dit « ta place ». On pourrait voir cela comme une montée en phase, mais l’étape d’après n’est pas « plus forte » en terme de pression, je me tourne et me mets dos à lui. Mon code vocal l’averti donc que la prochaine étape est la rupture totale de communication (ce qui l’éloigne évidemment de la récompense). C’est plutôt un avertissement que je ne souhaite plus m’adresser à lui s’il n’est pas calme.
J’ai mis en place le code vocal il y a peu de temps, car je voulais être sûre que ça allait être compréhensif pour Hermès.
Ne pas générer de frustration
Justement parlons en ! Si frustration il y a, le cheval risque de rapidement devenir irrespectueux ou alors de s’éteindre (voir plus haut).
Le plus important pour éviter la frustration est d’avoir un bon timing. Quand le cheval donne la bonne réponse, il faut impérativement donner son marqueur + bonbon.
Il m’est déjà arrivé de donner mon marqueur « par erreur », mais pour conserver son importance, ce qu’il annonce et ne pas générer de frustration, je donne quand même un bonbon à Hermès. Après tout il n’a pas à pâtir de mon erreur ! D’autant que pour une fois même s’il ne sait pas pourquoi il a eu un bonbon, cela ne change pas grand-chose et au moins aucune frustration n’apparaît et la séance continue dans le calme.
Quoi qu’il en soit, il faut avoir à l’esprit que tout peut s’améliorer si l’on s’en donne les moyens, il vaut mieux faire de petites séances répétées et calmes que de grosses séances pleines de cafouillages et d’agacement.
Finalement, à pieds c’est comme à cheval : quand le cheval ne fait pas ce qu’il faut, ce n’est jamais la faute du cheval, mais celle du cavalier 🙂