Nos étapes d’apprentissage en R+

Pour re-situer un peu ma situation, j’ai découvert le R+ « pur » il y a tout juste un an. Avant je travaillais mes chevaux de manière assez classique disons (R+ ou R- selon l’exercice en gros), si ce n’est qu’ils avaient toujours leur mot à dire et que je n’ai jamais fait de forcing pour quoi que ce soit. La relation que j’entretenais avec eux a toujours été une priorité sur le travail.

Avec Hermès j’oriente au maximum son éducation sur du R+, mais j’utilise aussi du R-, typiquement pour le faire tourner lorsque j’ouvre la porte du pré, je lui pousse la hanche ou lui suggère s’il est dans un bon jour (mais ça reste du R-).

J’en profite pour ajouter que je ne trouve pas que le R- soit « mauvais ». Au même titre que le reste, tout dépend de comment s’est appliqué. De manière générale, je n’aime pas que le cheval n’est pas le temps de réfléchir et se fasse tout de suite brusquer (voir même taper dessus comme on le voit malheureusement parfois, encore trop souvent à mon goût), sans même comprendre ce qui lui arrive. Je n’aime pas non plus voir un cheval dans l’inconfort, même s’il exécute des choses formidables, ce qui m’intéresse n’est pas tant le résultat, mais les moyens utilisés pour en arriver là.

Je trouve que  « le mouvement » devrait toujours être appris dans le calme et la décontraction, c’est à mon sens « la vraie belle équitation ». Un cheval pincé, apeuré, agressif, ce n’est pas beau, même s’il exécute 1001 figures magnifiques.

Ce qui est très intéressant avec le R+, c’est que l’apprentissage passe par beaucoup plus d’étapes, où l’on gagne en précision jusqu’à obtenir le comportement désiré. Contrairement au R-, le cheval (ou le rhinocéros) n’est pas orienté dans la réponse qu’il doit donner, il doit chercher la bonne réponse.

Ce qui est formidable avec cette technique, c’est que cela développe vraiment une réflexion chez le cheval. Personnellement, je suis très fan de ce principe ! 🙂 L’inconvénient, c’est que le temps d’apprentissage est plus long qu’en R-,sachant que le cheval doit « deviner ». Aussi je vais essayer de vous détaillez les choses qui ont été mises en places en amont et les étapes par lesquelles nous passons lorsque nous apprenons de nouveaux exo.

Séance en liberté dans le rond de longe – J’indique à Hermès où aller et l’encadre avec la chambrière – Août 2019 – Photo de Marion Maillet

Apprendre à suivre la target

Une fois que nous avons introduis la target dans notre travail (voir l’article sur la Target), nous avons nettement progressé. Je distingue « la cible » (pour le nez) de « la target » (pour les pieds/mouvements), je parle donc ici de la target, qui me sert à guider Hermès par exemple.

C’est un outil d’une praticité remarquable et dans notre cas, cela nous permet d’évoluer sans harnachement. Il se fie à la target pour marcher, pas besoin d’être attaché. C’est déjà une grande avancée que d’en arriver là 🙂

Finalement je trouve qu’avec le target, on fait les choses à l’envers par rapport à des méthodes d’apprentissage classiques vu qu’en fin de compte, on commence par la liberté. Je ne mets jamais de licol car je n’en ressens pas le besoin. En revanche, il peut arriver que je mette le neckrope (surtout quand j’ai du mal à le canaliser ou à le garder calme) mais c’est extrêmement rare, puisque c’est arrivé seulement 2 fois ^^

Le micro shaping

L’un de mes grands alliés en R+, c’est bien lui ! Le micro-shaping s’apparente un peu à du scan & capture (profiter d’un mouvement inopiné du cheval pour le récompenser, exemple : clicker s’il baille pour lui apprendre à bailler sur demande): on récompense un infime mouvement (pas forcément voulu dans mon cas), puis un autre et ainsi de suite jusqu’à obtenir la figure désirée. Il oriente d’avantage le cheval et permet de gagner du temps si l’on cherche à obtenir quelque chose de précis, rapidement (ça ne sera jamais aussi rapide qu’en R- malgré tout).

Il est parfois vu comme un peu contradictoire avec « l’esprit R+ », néanmoins je le trouve très pratique et Hermès s’y retrouve bien aussi 🙂

La P-

La P- ou punition négative, consiste à supprimer quelque chose d’agréable si un « mauvais » comportement survient.

Elle s’oppose à la P+/punition positive, non pas qu’elle soit « une bonne chose » il faut plutôt comprendre « ajoutée » (= positif/ retiré = négatif). En P+, on ajoute un élément désagréable pour voir un comportement s’éteindre (exemple : mon cheval mord, je lui mets une tape sur le nez. L’efficacité de cette technique reste encore à démontrer ….).

Par exemple, Hermès renversait systématiquement sa gamelle lors de la ration (et j’en avais marre de nourrir les oiseaux), j’ai donc pris l’habitude de lui retirer son seau (sans agressivité, juste l’empêcher d’y avoir accès) dès qu’il commençait à s’agiter et secouait le seau. En 3 repas, c’était intégré, j’avais un petit cheval sage (les oiseaux m’ont maudite).

J’utilise aussi la P- dans le travail à pieds, mais d’une manière un peu détournée. Avec Hermès, l’une de mes priorité dans le travail c’est le calme et la décontraction (je ne le dissocie pas, ils sont aussi importants l’un que l’autre pour moi). S’il monte en pression et que je n’arrive pas à retrouver le calme, je coupe toute communication avec lui et lui tourne le dos. Voilà ma P- : tu t’agites, je ne souhaite pas interagir avec toi si tu n’es pas calme. Pas d’interaction = pas de demande = pas de bonbons.

Schéma un peu simplifié, néanmoins c’est une technique qui m’a énormément aidée à progresser sur le calme durant les séances.

Au début où nous nous sommes mis au R+, plutôt que d’utiliser cette façon de faire, je récompensais les moments calmes uniquement… Sauf que quand on a zigoto qui s’excite de plus en plus, difficile de récompenser. D’autant qu’une interaction (ne serait-ce qu’un regard) est déjà potentiellement une demande. Donc j’ai arrêté de demandé entièrement, je tourne le dos, point.

Hermès devient envahissant, je l’ignore et lui tourne le dos.

Les Pointages

J’ai commencé les pointages grâce au travail à la cible, je m’en sers en général pour compléter l’action de la frite si Hermès un doute ou pour le re-concentrer un peu si je vois qu’il part sur autre chose (comme par exemple « oh mais regarde là bas, il n’y a rien, ça alors, le rien c’est incroyable » ahah).
Un pointage consiste à indiquer du doigt une direction ou un objet. Je les ai mis en place grâce au changement de cible.
J’utilise aussi les pointages pour indiquer un tracé à suivre, dans ce cas ma main a la même action que la target.

Les aspirations

Quand Hermès a su suivre sans hésiter la target et qu’elle lui était familière, j’ai commencé à travailler les aspirations.

Ils connaissaient déjà l’aspiration des épaules, alors j’ai déjà essayé ce mouvement là avant de m’attaquer au reste.

En me plaçant sur le côté au niveau de son épaule, frite parallèle au sol, perpendiculaire à lui. Il a vraiment beaucoup hésité les premiers temps et je ne parvenais pas du tout à l’aspirer (position ? Code ? Target?), j’ai alors essayé de le toucher en pression faible sur l’épaule pendant une fraction de seconde, puis j’ai éloigné la target. Il a alors légèrement reporté son poids vers la target, presque un peu malgré lui, j’ai immédiatement donné mon marqueur et récompensé (j’ai donc utilisé le micro shaping pour lui apprendre les aspirations). En quelques séances, j’avais 2 pas de chaque côté.

J’ai réitéré la même technique pour les hanches ainsi que pour les déplacements latéraux, bien que ces deux mouvements aient été plus difficiles à apprendre pour Hermès, il a également compris en 2 ou 3 séances le principe.

J’ai également utilisé la target pour lui apprendre les reculés par aspiration (en zone 5 puis en zone 3) pas en le touchant cette fois, mais « faisant non » avec la target, pointée vers le ciel + code vocal  « back » que j’utilise depuis le début pour le faire reculer.

L’intérêt d’apprendre les aspirations est que la target peut ensuite servir à n’importe quoi et le cheval prend l’habitude qu’elle soit n’importe où et donne des indications.

Les aspirations ont été apprises très facilement par Hermès contrairement à l’éloignement que nous devons encore travailler.

Photo de Mahaut d’Ornella

L’éloignement

Hermès est une vraie glue, alors quand il s’agit de rapprocher de moi, c’est simple, en revanche s’éloigner c’est une autre histoire !

Je n’ai jamais eu de souci de respect avec lui et même s’il est très proche de moi, je ne me sens pas en danger. La notion de bulle est propre à chacun, mais je dirais que le principal est de conservé la sécurité, pour le reste c’est entre l’humain et son poilu que ça se passe 🙂

Dans le travail, cela peut être pratique d’éloigner son cheval, typiquement pour le longer par exemple. Hermès sait être longé et s’éloigne de moi sans souci si je le « chasse », mais si je pars du principe que je ne veux pas le chasser, il faut trouver une autre solution.

Encore une fois, la target intervient (je vous l’avais dit elle est super cette target). J’ai utilisé un grand bâton (d’1m20 je dirais) pour y fixer la frite, ainsi j’ai une longue target.

Au début, je tenais la frite très prêt de moi, puis au fur et à mesure, j’ai fini par la tenir au bout du bâton. Nous avons donc réussi en quelques séances à ce qu’Hermès marche à un bon mètre 20 de moi (et ça pour lui, ce n’est pas rien ! x)

Quand il a su marcher correctement en bout de target, j’ai commencé à coder pour qu’il apprenne à s’éloigner de moi (tout en restant « sur » la target), j’adaptais la longueur de la target en prenant le bâton plus ou moins proche de la frite. Ainsi je pouvais éloigner ou rapprocher Hermès, tout en continuant de marcher.

Au fur et à mesure, j’ai commencé à pouvoir « désigner » la trajectoire qu’il devait prendre. J’appelle ça « le tracé » puisque c’est comme s’il suivait une ligne imaginaire. Je reste toujours à proximité de lui mais il est plus autonome.

Le plus difficile (et nous sommes en plein dedans en ce moment ahah) c’est de l’éloigner vraiment de moi, qu’il soit à plus de 2m de moi.

Nous travaillons régulièrement là dessus (tant en marchant que pour les arrêts ou les aspirations) mais Hermès a beaucoup de mal à se décoller de moi ^^

Je commence à utiliser des objets pour qu’il visualise mieux la distance que je veux qu’il y ait entre nous et ça l’aide beaucoup, je pense également lui proposer des bases ou des cibles pour essayer de trouver une solution qui soit facile à comprendre pour lui.

Dans notre cas, réussir à éloigner Hermès serait vraiment un plus, car il est très fixé sur moi (ce que je trouve très avantageux pour x choses) et que j’aimerai qu’il prenne un peu en autonomie.

Voilà l’ensemble des choses/outils que nous avons mis en place de manière durable et qui nous servent au quotidien dans l’apprentissage ou même dans le travail à pieds en général. Ce sont en quelques sortes les bases de notre travail. Passons maintenant aux étapes d’apprentissage par lesquelles nous passons.

Haritz qui découvre la target – Photo de sa proprio : Mahaut D’Ornella

Le Code Vocal

Lors de l’apprentissage d’un nouvel exercice, j’utilise en général immédiatement un code vocal qui sera ensuite destiné à cet exercice uniquement. Je le combine d’entrée de jeu à la target.

Pour coder le pas, je place ma target devant Hermès et ajoute le code « Marche », par exemple (d’où l’importance d’introduire la target dans les bases avant d’essayer de lui apprendre autre chose). Avec le temps, je peux simplement indiquer mon code vocal pour qu’il réagisse. La target vient alors compléter si besoin ou s’il hésite.

Pour certains exercices, il arrive que j’utilise un ancien code pour lui faire intégrer le mouvement, puis je code avec mon nouveau mot.

Par exemple, pour passer derrière un objet (mouvement difficile pour Hermès), j’ai commencé par lui indiquer « Marche » en dessinant un tracé qui contournait l’objet avec la target. Il s’est donc référé à la cible pour la direction à prendre et au code vocal pour le mouvement en avant.

Dans un second temps, j’indiquais le même tracé avec la cible puis donnait deux codes : mon ancien code « Marche »et le nouveau code « Derrière ». Il est important de bien récompenser chaque passage afin qu’il intègre que passer derrière l’objet est intéressant et récompensé.

Au bout de quelques passages, je ne donnais que mon nouveau code « Derrière » ainsi que le tracé avec la target.

La gestuelle

Une fois le code vocal appris et que je n’ai plus forcément besoin d’utiliser la target de manière « exagérée », j’ajoute un geste pour chaque exercice. Le but étant de me passer de target pour finir, donc autant avoir des codes complets à savoir : voix + geste.

La target me permet de fixer les gestes associés à un mouvement, mais ma main ne se substitue pas à la target par la suite, j’entends par là que ma main ne devient pas la target. Ma main indique un code appris grâce à la target (comme pour la voix).

Par exemple, pour l’apprentissage du pantherwalk (démarche chaloupée avec une montée des antérieurs), je plaçais ma target sous l’encolure d’Hermès + code vocal « Walk » + mon index qui « fait  oui ». Les 3 codes sont différents, complémentaires pour l’apprentissage, mais peuvent ensuite être utilisés séparément (maintenant je n’utilise plus la target pour ce mouvement en général).

Les gestes que j’utilise n’ont donc pas forcément de rapport avec ce que la target fait. Ce sont 2 codes différents. D’où le temps d’apprentissage plus long, car le codage nécessite plus d’étapes qu’en R-.

Il est évidemment possible de mettre en place le code vocal + le geste en même temps, mais pour ma part je trouve que cela fait trop d’informations à digérer d’un coup pour Hermès comme pour moi.

Je préfère procéder en plus d’étapes « propres » qu’en essayant de raccourcir le temps d’apprentissage et perdre en précision (voir notre challenge Equifeel partage du mois de février, où j’ai tenté de griller des étapes et que le résultat s’est avéré « catastrophique »).

Anne et sa jument Eglantine, découvrent la cible, pas à pas – Photo Marion Maillet

Le Feed-Back

La voix ne me sert pas uniquement à donner des indications précises comme « Marche » (mouvement en avant), « Hips » (aspiration des hanches), « Back » (reculer). Depuis février, j’ai mis en place 2 codes permettant de faire un retour à Hermès sur ce qu’il fait, afin de l’orienter davantage dans ses réponses.

« Oui » et « Non ».

« Oui » indique qu’il faut continuer dans cette direction/ce comportement. Cela est très utile lors d’un enchaînement de plusieurs mouvements par exemple.

En R+, au début il faut récompenser très souvent. Mais comme dans tout travail, en progressant et en avançant dans l’exercice, on peut se permettre d’espacer les récompenses. Avant je récompensais chaque départ au pas pour coder la mise en avant, maintenant, Hermès maîtrise cet exercice et je ne récompense plus autant qu’avant.

Le marqueur indique que c’est la bonne réponse/le résultat attendu. L’avantage du Feed-back c’est qu’il permet aussi au cheval de savoir qu’il est dans la bonne direction.

Attention toutefois, car mal utilisé, il peut générer de la frustration, ce qui est à bannir si l’on souhaite conserver une ambiance sereine.

« Non » me permet d’enrailler un comportement non désiré, Hermès est parfois un peu zélé et me montre tout ce qu’il sait faire. Bien souvent, ce comportement est dû à un manque de clarté de ma part, si je ne suis pas trop dedans ou que j’essaie de lui apprendre un exo sans trop y avoir réfléchi avant par exemple.

Je me sens un peu dépassée par toute l’agitation de la situation et je m’embrouille encore plus. Du coup pour aider un peu à désengager tout ça, j’ai mis en plus ce Feed-back là. Il veut clairement dire « arrête ce que tu fais », tout bêtement.

Je peux aussi l’utiliser s’il vient à fouiller ma pochette par exemple. Je récompense alors systématiquement le fait qu’il arrête, pour que cela ait du sens et qu’il trouve un intérêt à tout arrêter.

C’est en quelque sorte un moyen de l’orienter sur un autre comportement, plutôt que de réprimer ce qu’il fait.

De la Target à la liberté

Je travaille toujours Hermès « nu » (sans harnachement), cependant, j’estime que tant que j’ai une target, ce n’est pas vraiment de la liberté. Même si je ne l’utilise pas beaucoup, elle est quand même là !

Aussi pour faire la transition entre ma target et « rien  du tout », j’utilise depuis peu, une grande aiguille à tricoter (surnommée « La Tricoteuse ») comme petite target. Elle est plus maniable, plus discrète et me permet une bonne transition entre la Target et de la liberté pure.

Je me concentre d’avantage sur mes gestes et codes vocaux, le but étant d’utiliser le moins possible la Tricoteuse.

Celle ci intervient si je vois qu’Hermès hésite, c’est une indication supplémentaire qu’il l’oriente sur la bonne réponse (surtout vrai pour les exercices un peu plus complexes pour lui ou pour les codes que l’on vient de mettre en place).

Mon but étant à terme de me contenter de ce que j’ai sur moi, à savoir, mes bras et ma voix.

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